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De château d'eau à château d’art
ou l’art urbain comme vecteur de la métamorphose de Creil

 

Fin 2021, l’espace Matisse* répondait à l’appel à projet national de la société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques, proposant l’idée folle de l’artiste Fabien Mazé, alias Xkuz, de créer une fresque sur le château d’eau du quartier Rouher. Un projet monumental puisqu’on parle de la réalisation d’une peinture sur un support de 1275 m2 rayonnant à 360° dans toute la ville et s’élevant à 26 mètres de haut !

Embellir le patrimoine bâti
L’objectif de cette performance est multiple puisqu’il s’agit dans un premier temps d’importer l’art contemporain dans le quartier Rouher, un environnement urbain, sensibilisant ainsi les habitants aux courants artistiques (art urbain, muralisme) pour renvoyer une image moderne de la ville. Comme une exposition à ciel ouvert pour tous… Ensuite, cette œuvre permet de valoriser un bâtiment fonctionnel en bêton, contribuant à changer positivement l’image des quartiers et leurs identités.

Pour inclure les habitants du quartier dans ce projet, puisque ce sont eux qui vivent au plus près du réservoir, Xkuz leur a présenté deux fresques prototypes, sous forme de visuels mais également de maquettes en volume. Les résidents ont voté (en ligne ou via des urnes) au printemps 2022 et ont choisi la proposition graphique axée sur la nature, avec des couleurs vives rappelant le ciel, la forêt, l’eau et le soleil, qui rejoint également celles de l’Agglomération Creil Sud Oise (ACSO) laissant deviner les lettres de Creil. Une recherche basée sur l’équilibre entre l’architecture géométrique des immeubles adjacents et la nature voisine.

Après plus d’un an de préparation, le chantier, en face de l’espace Buhl, a commencé à l’automne 2022 et a duré six semaines. Désormais, la tour multicolore est visible à des kilomètres à la ronde et s’inscrit dans une démarche pédagogique. Des actions de médiation vont s’articuler autour de l’ouvrage, porte d’entrée pour répandre l’art contemporain…

*Espace Matisse : centre culturel et ateliers d’arts de la ville de Creil, partenaire du projet Château d’eau, château d’art urbain 2022.

chateau d&aposart

« Un énorme défi relevé et un réel accomplissement personnel »

Xkuz, 37 ans, est un street artiste des Hauts de France, impliqué dans la valorisation du territoire depuis une dizaine d’années. Il commence à se faire connaître pour ses graffs, notamment en peignant des lettres qui le mènent à entreprendre des études de graphisme. Attiré par l’abstrait, il développe un langage visuel qu’il qualifie de typographie abstraite. Les formes géométriques et colorées qui le caractérisent jonchent les murs de la ville, désormais devenues sa signature. Après la bombe, il manie le pinceau, le rouleau, et son travail s’inscrit dans une démarche post-graffiti qui constitue son identité. Rencontre avec un artiste au tempérament calme et discret qui a choisi l’un des plus hauts sommets de Creil pour se faire entendre.

 

xkuz

Comment est née l’idée de réaliser une fresque sur le réservoir d’eau ?
J’ai évoqué cette idée lors d’une discussion avec Annette Pierard, la directrice de l’espace Matisse de Creil et coordinatrice du projet, expliquant le type de support qui me faisait rêver pour réaliser une fresque. Quelques mois après j’ai reçu un appel à candidature de l’Adagp, la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques, on a présenté le projet et nous avons été sélectionné, ce qui nous a permis d’obtenir un premier financement et de lancer la machine.
Comment vous êtes-vous préparé à la réalisation de ce projet ?
J’ai commencé par faire du repérage, consulter l’entreprise qui s’est occupée de la réhabilitation du bâtiment afin de faire les bons choix techniques notamment en ce qui concerne le travail en hauteur. J’ai ensuite créé une maquette à partir des dimensions du bâtiment afin de pouvoir la reproduire au mieux, de manière mathématique.
Quel matériel et équipement avez-vous utilisé ?
Pour tracer mes esquisses je me suis servi des outils de mesure ainsi que des outils de maçon tels que le cordeau. J’ai utilisé une nacelle articulée de 41 mètres pour pouvoir travailler sur toute la hauteur du château d’eau et de la peinture acrylique, appliquée à l’aide de pinceaux et de rouleaux.
 

Quel défi représente pour vous la réalisation de cette œuvre ?
Le premier défi c’était de trouver le bon équilibre dans mes propositions graphiques. Il fallait que j’arrive à prendre en considération le territoire et les habitants du quartier, tout en restant dans la continuité de mon travail qui tend de plus en plus vers l’abstraction. Ensuite c’est le côté monumental de la fresque qui représente un gros défi avec les presque 1300 m2 à peindre ce qui est assez fatigant physiquement et psychologiquement. 
Qu’est-ce qui a été innovant pour vous ?
J’ai surtout appris que sur un projet de cette ampleur tout doit être décuplé et que le moindre problème peut être vraiment très embêtant.
Avez-vous rencontré des difficultés ?
J’ai surtout rencontré des difficultés techniques, un élagage de dernière minute a dû être fait pendant le chantier par exemple, j’ai aussi eu des gros soucis avec une nacelle défectueuse qui m’a fait perdre beaucoup de temps et à cause de laquelle j’ai dû être évacué par le toit du château d’eau.
Maintenant qu’il est achevé, quel regard portez-vous sur ce travail ?
Je vois ça comme un soulagement quelque part… un énorme défi relevé et un réel accomplissement personnel. Je suis aussi très content du retour positif que j’ai eu par les habitants avec qui j’ai pu en discuter, ça me donne de la force pour les prochains projets !